e-mail: ne cliquez pas trop vite sur “envoyer”
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Simple d'usage et spontané, l'e-mail a toutes les qualités d'un bon outil de communication, à condition d'être bien rédigé et envoyé à bon escient.
Sept précautions à prendre pour éviter les loupés. Ce jeune candidat venait de recevoir par e-mail une proposition d'embauche chez Niji, une SSII rennaise. Il s'est empressé de la faire suivre à sa mère. «Deux jours plus tard, je reçois un mail de cette dame, se souvient Hugues Meili, le PDG de Niji. Il commençait ainsi: "Mon chéri, je crois que c'est une bonne société..." En réalité, elle s'était emmêlé les pinceaux et, au lieu de répondre à son fils, elle m'a répondu à moi!» Heureusement pour le candidat - finalement embauché -, le courrier de sa mère n'était pas assassin..
Simple d'usage, instantané, gratuit: l'e-mail a toutes les
qualités d'un bon outil de communication. Tellement qu'on oublie
parfois qu'il est à manier avec précaution. Car, en plus
de ce genre d'«erreurs d'aiguillage», il peut être
source de malentendus, de fuites, de trop-plein d'informations, de
perte de temps... D'où le conseil de Sébastien Roussel,
responsable d'arobase.org, le site de référence sur l'e-mail: «Dans le cadre professionnel, prenez toujours cinq secondes
pour relire avant d'envoyer.» 1. Ne pas faire de courrier pour rien... «Dans la journée, je reçois de 100 à 150 e-mails, dont un tiers inutiles», constate Hugues Meili. Exemple: «L'e-mail de 11 h 50 pour demander à toute l'entreprise: "On va manger où?" et les 120 suggestions de restaurant qui s'ensuivent!» Mises en copie inutiles, envois à des listes de diffusion trop larges, e-mails pour dire: «Je n'ai pas compris ton e-mail»... Les occasions d'expédier un courriel inutile ne manquent pas. En particulier chez les juniors, à en croire Thibault Lanxade, PDG de Gazinox: «Un jeune collaborateur à qui je demande un travail peut me l'envoyer cinq fois en cours d'élaboration, pour me dire qu'il a presque fini et solliciter mon avis. Je lui réponds: "Prends le temps, et envoie-moi plutôt la version définitive!"» ... ni pour éviter le contact Chez Keolis (transport public de voyageurs), les managers sont invités à préférer le contact humain à la relation numérique. Surtout pour tout ce qui implique du dialogue ou des explications, comme de nouveaux objectifs chiffrés. «Le but est d'éviter le syndrome "administratif", au sens caricatural: "J'ai envoyé un mémo, donc j'ai fait mon boulot", explique Jean Ghedira, directeur de la communication. Nous préférons l'échange. C'est une question d'esprit d'entreprise.» Dans beaucoup de cas - organiser une réunion, discuter en groupe,
transmettre un message important ou sensible -, le face-à-face
ou le téléphone sont plus efficaces. «C'est préférable
quand on a quelque chose de désagréable à faire
passer, conseille Michèle Furster, consultante à la Cegos.
Quand on le voit par écrit, cela dramatise, ça aggrave éventuellement
le conflit.» Rien n'empêche de combiner l'écrit
et l'oral: pour recadrer un collaborateur, on peut accompagner une
discussion en face à face par un écrit qui formalise
la réprimande. 2. Ne pas envoyer à n'importe qui Au moment de démissionner de sa boîte, un employé adresse à ses collègues un e-mail d'adieu très policé. Quelques minutes plus tard, toute l'entreprise reçoit la réponse d'un autre salarié: «Salut, mon Francky, toujours aussi faux-cul! Ton message m'a fait hurler de rire, tu fais bien de te casser de cette boîte de c...» En cliquant maladroitement sur «répondre à tous», il avait fait profiter toute l'entreprise de son langage fleuri... qui lui coûta son poste. Cette histoire, relatée par Thibault Lanxade dans son livre Génération 35 heures, montre à quel point «destinataire» est la case sensible de l'e-mail . Bien choisir ses destinataires, c'est aussi éviter d'inonder ses contacts d'e-mails inutiles. Edith Henrion d'Aubert, la présidente de l'association Croissance Plus, a ainsi configuré une quinzaine de listes de diffusion qui lui permettent de bien cibler ses interlocuteurs: «femmes chefs d'entreprise», «chefs d'entreprise qui ont des marchés à l'étranger»... A savoir: les règles de la Netiquette, ce manuel du savoir-vivre sur internet dressé en 1995, interdisent de faire suivre un e-mail sans l'accord de son expéditeur. L'usage de la copie cachée (Cci) est aussi indélicat. 3. Ne pas se tromper de ton «Quand nous envoyons un e-mail à nos membres, je le relis toujours, afin de respecter une homogénéité de ton et de présentation, sans parler des coquilles», explique Edith Henrion d'Aubert. En revanche, quand elle s'adresse à ses salariés ou à son président, la directrice de Croissance Plus n'hésite pas à être plus laconique, à utiliser des abréviations ou à signer d'un «à +».
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Idem pour les formules de politesse: les «bonjour», «cher(e) ami(e)» (pour le début), «cordialement» et «bien à vous» (pour la fin) sont d'usage, mais avec modération. Une fois par jour et par interlocuteur, cela suffit. Quelques impairs à éviter: le style télégraphique inspiré des SMS; l'écriture en majuscule, qui s'assimile à un cri; les fautes d'orthographe; ou encore les formules de politesse ampoulées héritées du courrier papier. 4. Ne pas abuser des sous-entendus En 2004, deux chercheurs américains ont testé la perception du ton d'un e-mail par son destinataire. Résultat: une fois sur deux, cette perception est en décalage avec les intentions de l'expéditeur. Les émotions - ironie, colère... - qui passent par la voix lorsqu'on parle au téléphone ou par la gestuelle quand on est en présence de son interlocuteur ne passent pas par e-mail: c'est un «média froid».
«On utilise trop souvent l'e-mail en se disant "moi, je me comprends", sans penser qu'on écrit pour les autres», analyse Alex Adam, fondateur du cabinet A2 à Bruxelles, qui propose une formation à l'e-mail par le théâtre. Les smileys et autres «émoticônes» sont là pour préciser les intentions, mais eux non plus ne sont pas toujours bien perçus. L'idéal: faire sobre, dans le fond et dans la forme. Un bon e-mail est organisé: l'idée importante au début, une longueur raisonnable, un découpage clair... «J'essaie de regrouper mes idées, de structurer et de couper au maximum, explique Edith Henrion d'Aubert. Un mail ne doit pas faire plus de dix lignes. En général, je fais des "points". C'est un peu scolaire, mais ça permet à mon interlocuteur de me répondre point par point.» «Il faut aller directement à l'information qui est à l'origine du mail, résume Michèle Furster. Les enchaînements ("dorénavant", "toutefois") n'existent plus. C'est: sujet-verbe-complément.» Dans la charte e-mail mise en place dans son entreprise, TCRe, Vincent Vande Weyer a introduit la règle «un sujet par message»: «L'e-mail vers l'extérieur reflète l'image de la société, insiste-t-il. Avant, on envoyait à des courtiers des mails fleuves non structurés contenant cinq questions...» Attention aussi aux longs échanges, qu'il est parfois bon de synthétiser en quelques idées essentielles.
5. Ne pas abuser des pièces jointes Taille excessive, format impropre, virus... Les pièces jointes sont souvent embarrassantes. Quelques pistes pour faciliter le transfert de documents: intégrer les fichiers légers dans le corps du mail et, pour les fichiers plus lourds, proposer au préalable aux personnes intéressées de les leur envoyer, ou transmettre un lien vers un serveur où ils sont consultables. C'est ce que Vincent Vande Weyer, de TCRe, conseille à ses salariés: «Sans ça, l'usage abusif du mail pour faire circuler des documents de travail génère vite des pertes d'informations et de modifications», déplore-t-il. Autre astuce: pour éviter que tous les collaborateurs amendent à leur guise un document qui leur est transmis, on peut le faire circuler uniquement en format PDF.
6. Soigner la case «objet» «L'"objet" est un point prioritaire: quand on a
50 mails, c'est à partir de cette case qu'on les classe ou qu'on
les élimine, explique Alex Adam. Il doit comprendre le thème
- "proposition de rendez-vous téléphonique" -
et être précis - "compte rendu de la réunion
de tel jour", "que penses-tu du point 5?"» Les
deux écueils à éviter: faire trop vague - «rendez-vou» -
ou trop exhaustif. «L'objet doit être composé de
mots posés côte à côte et qui percutent,
résume Edith Henrion d'Aubert. Je le retravaille très
souvent. Par exemple, au lieu de mettre dans l'objet l'intitulé de
toutes les invitations qu'il contient, j'écris: "Important
invitations CroissancePlus".» 7. Ne pas laisser traîner son adresse pro n'importe où Michèle Furster, de la Cegos, rappelle cette anecdote: un salarié d'un opérateur de téléphonie, inscrit sur un forum sous son adresse professionnelle, y avait laissé filtrer une information concernant une offre commerciale très innovante que s'apprêtait à lancer son employeur. Las! Le salarié d'un concurrent, qui fréquentait le même forum, ne tardait pas à tomber sur l'info. Cela permit à son employeur d'organiser la contre-attaque sous la forme d'une proposition encore plus alléchante... S'il est difficile de tout contrôler, on peut cependant déconseiller aux salariés, via une charte informatique par exemple, de s'inscrire à des forums avec leur adresse professionnelle, voire d'utiliser cette adresse à des fins personnelles. C'est aussi une bonne manière d'éviter l'invasion de spams.
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